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Manuel Bompard, coordinateur de La France insoumise : « Roussel doit arrêter de tirer sur son camp »

INTERVIEW - Le député Insoumis Manuel Bompard plaide toujours pour une liste commune de la Nupes aux européennes. Pour le premier lieutenant de Jean-Luc Mélenchon, Emmanuel Macron « est empêché de gouverner ».

Anne-Charlotte Dusseaulx, Arthur Nazaret , Mis à jour le
Le député insoumis Manuel Bompard, le 14 février 2023.
Le député Insoumis Manuel Bompard, vendredi dans sa permanence parlementaire à Marseille. © Edwige Lamy pour le JDD

Après la validation de la réforme des retraites par le Conseil constitutionnel, reconnaissez-vous cette loi comme légitime ?
C’est une plaisanterie ? Pas une seule étape d’un chemin démocratique normal n’a été respectée. Ce texte n’a aucune légitimité. Ni parlementaire, l’Assemblée nationale ne l’ayant pas voté, ni sociale, puisque tous les syndicats de salariés le combattent, ni populaire, car plus de 70 % des Français et plus de 90 % des actifs le contestent. Par sa décision, le Conseil constitutionnel a surtout montré à quel point les institutions de la Ve République sont au service de la monarchie présidentielle et non du peuple souverain. L’heure de la VIe République est venue !

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Un second référendum d’initiative partagée sera étudié par le Conseil constitutionnel le 3 mai. Quelles initiatives prendrez-vous d’ici là ?
La priorité, c’est la mobilisation populaire. L’intersyndicale appelle d’ores et déjà à un raz de marée historique le 1er mai ? Nous l’appuyons de toutes nos forces. Des salariés continuent la grève ? Ils peuvent compter sur notre soutien politique et l’aide financière de notre caisse de grève qui a réuni plus de 1 million d’euros. C’est historique ! Mais pour gagner définitivement la bataille, il faudra aller plus loin encore. Nous faisons une proposition à l’ensemble des forces syndicales, associatives et politiques qui le souhaitent : réunissons-nous dans les prochains jours, au niveau national comme dans les départements, pour préparer ensemble la suite de la mobilisation. Mettons nos forces en commun pour les faire craquer !

« Pour gagner, nous devons être une alliance stable et lisible »

La réintégration d’Adrien Quatennens, selon vos partenaires de la Nupes, mine votre crédibilité en matière de féminisme…
Je ne partage pas ce point de vue. Adrien Quatennens a commis une faute, il a écopé d’une sanction judiciaire et politique. Notre groupe l’a exclu pendant quatre mois. Il a payé. La lutte contre les violences sexistes et sexuelles est une priorité, mais personne ne doit être condamné à vie.

Souhaitez-vous qu’il retrouve des responsabilités importantes ?
L’avenir le dira. Mais sa volonté n’est pas de revenir comme s’il ne s’était rien passé.

Retour de Quatennens, division au PS, affirmation du PCF : la Nupes n’est-elle pas en train de craquer ?
La chronique de la mort annoncée de la Nupes a commencé avant même que l’encre de l’accord soit sèche ! Je n’y accorde aucune importance. Le bilan est bon. Nous avons 151 députés. Chacun a un groupe à l’Assemblée. Et nous avons œuvré ensemble. Pour l’augmentation des salaires et le blocage des prix. Pour une taxe sur les superprofits et des investissements massifs dans la rénovation énergétique des bâtiments. Pour faire adopter la constitutionnalisation du droit à l’IVG et à la contraception. Et nous sommes les porte-voix de ceux qui s’opposent à la retraite à 64 ans.

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Beaucoup parlent d’un acte II de la Nupes, mais sans rien évoquer de concret. En quoi doit-il consister ?
Je l’ai proposé il y a trois mois. Il ne faudrait pas que l’acte II soit un acte creux. Nous devons passer des paroles aux actes. La Nupes a déclenché un espoir : celui d’être une alternative au macronisme finissant et à l’extrême droite. Pour y parvenir, nous devons l’approfondir. Installons des assemblées de la Nupes dans chaque circonscription ou au niveau des communes. Rendons possible l’adhésion directe ! Mettons en place des intergroupes dans les villes, les Régions ou au Parlement européen. À l’échelon national, nous avions mis en place un parlement de la Nupes. Olivier Faure a proposé de le transformer en agora pour réunir des syndicalistes, des associatifs, des intellectuels ou des personnalités du monde de l’art et de la culture. Allons-y !

Quelle échéance vous fixez-vous ?
En mai, nous fêterons le premier anniversaire de la Nupes. N’arrivons pas les mains vides ! C’est une belle occasion offerte à chacun pour prouver sa sincérité.

Actez-vous l’impossibilité d’une liste commune de la Nupes aux élections européennes de 2024 ?
Non. Ce serait une erreur de partir séparés. Avec une liste commune, nous pouvons remporter cette élection et battre l’extrême droite et les macronistes. Ce serait un espoir immense pour des millions de gens. J’entends que nous ne serions pas d’accord sur tout. Mais dans les 650 mesures du programme de juin 2022, nous nous étions mis d’accord sur la question européenne. On me dit qu’il y a un problème, car nous siégeons dans des groupes différents à l’échelle européenne. Nous le faisons aussi à l’Assemblée nationale alors que nous avons été élus ensemble. Et personne n’en est mort !

Vous tendez une dernière fois la main à vos partenaires ?
Oui. Ouvrons cette discussion avant l’été ! On ne peut pas parler d’acte II de la Nupes si notre première décision est de partir aux européennes les uns contre les autres ! J’ai la conviction que nous pouvons y arriver. Débattons du fond. Mettons-nous d’accord sur un programme d’actions communes à l’échelle européenne. Sur la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale, contre le dumping social, pour la bifurcation écologique, pour une agriculture paysanne et respectueuse de l’environnement… Depuis 2019, près de 90 % de nos votes au Parlement européen sont similaires.

Cette division serait-elle de nature à consacrer la fin de la Nupes ?
Le choix pour 2024 sera décisif pour la suite. Je ne suis pas de ceux qui croient à une possible parenthèse. Tout le monde dit que la Nupes doit être unie en 2027. Mais comment gouverner ensemble le pays si nous ne sommes pas capables de porter des combats communs au niveau européen ? Pour gagner, nous devons être une alliance stable et lisible !

« Nul ne peut gouverner sans et contre le peuple »

Êtes-vous prêt à ce qu’un écologiste tire la liste ?
Nous serions fous si la possibilité d’une liste commune échouait pour cette raison. Si les écologistes considèrent que la seule option pour une liste commune de la Nupes est que ce soient eux qui la conduisent, discutons-en !

Fabien Roussel est-il devenu un adversaire de la Nupes ?
Il doit arrêter de tirer sur son camp ! Il y a un an déjà, sa candidature a empêché Jean-Luc Mélenchon d’être au second tour de la présidentielle. Maintenant, Fabien Roussel veut tourner la page de la Nupes. Quand il dit qu’elle est « dépassée », il la réduit à un accord opportuniste dont la seule finalité serait de gagner des places aux élections. Mais la Nupes, ce n’est pas ça ! C’est d’abord un programme et une stratégie. Ils ne s’accommodent pas d’ambiguïtés sur le fond ou d’hommages à Darmanin en pleine répression du mouvement social. Je l’avertis : l’approfondissement de la Nupes se fera, avec ou sans lui. L’un de ses arguments est de dire que la Nupes n’a pas réuni 50 % des voix. Ça ne m’a pas échappé. Mais si on veut arriver à 50 %, mieux vaut partir des 27 % de la Nupes aux législatives que des 2,3 % de Fabien Roussel à la présidentielle.

Pour être majoritaire, faut-il élargir la Nupes jusqu’à Bernard Cazeneuve, comme Roussel le souhaite ?
Bernard Cazeneuve a quitté le PS au moment où a été constitué l’accord de la Nupes. Il est pour la retraite à 62 ans et veut revenir à l’époque de François Hollande. Si la Nupes veut gagner, son élargissement doit se faire avec des forces populaires plutôt qu’avec des farces crépusculaires.

Jean-Luc Mélenchon a tweeté que Ruffin était « prêt » pour la présidentielle. Est-ce un adoubement ?
À ceux qui prophétisent notre échec, Jean-Luc Mélenchon a répondu que nous avons désormais plusieurs candidats en mesure de porter notre programme. Mais il n’a pas l’intention de désigner son successeur ! François est prêt, a-t-il dit. Tant mieux pour nous tous ! Faisons mieux.

L’arrivée de la députée dissidente Martine Froger dans le groupe socialiste serait-elle un casus belli ?
Elle a dit qu’elle voulait rejoindre le groupe socialiste en dehors de la Nupes. Les socialistes lui ont rappelé que c’était impossible. Donc cette hypothèse n’existe pas.

Dans certains sondages, le Rassemblement national semble sortir renforcé de la séquence des retraites. Qu’en dites-vous ?
Il y a les sondages et il y a la vraie vie. Depuis juin, le Rassemblement national a perdu une députée et n’en a gagné aucun. Ils ont dormi pendant trois mois pendant que nous nous battions pied à pied contre la retraite à 64 ans. Avant cela, ils ont refusé la hausse du smic ou le rétablissement de l’ISF. Ils sont une escroquerie pour les classes populaires. Mais il est vrai que, avec l’implosion du macronisme, 2027 pourrait se jouer entre eux et nous !

Emmanuel Macron peut-il retrouver un élan ?
Il est empêché de gouverner. Il ne peut se déplacer nulle part sans trouver des opposants à sa politique sur son chemin. Son gouvernement tout entier se barricade. Nul ne peut gouverner sans et contre le peuple. Dans l’immédiat, sa seule option est le retrait de ce texte. Au-delà, c’est tout de même l’impasse : avec quels appuis politiques et quelle base sociale compte-t-il avancer ?

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